Adil Moustaoui Srhir
«Le Mouvement 20 février au Maroc entre l’autolégitimation et la délégitimation de l’État: Une analyse critique du discours»
Pragmalingüística, n.º 22, 2014.
Pragmalingüística | Facultad de Filosofía y Letras | Universidad de Cádiz | Cádiz | ESPAÑA
Extracto los siguientes apartados (del artículo completo, PDF / HTML):
→ Les discours de résistance: un nouveau champ de recherche
→ Ordre discursif avant et après la naissance du M20F (Mouvement 20 Février au Maroc)
→ References
«Les discours de résistance: un nouveau champ de recherche
»L’intégration du CDA dans la recherche sur le mouvement social est justifiée par le fait que les mouvements sociaux aux Maghreb, plus concrètement au Maroc, ont subi un processus dynamique de changement qui les a conduits vers ce que Ben Néfissa (2011: 5) appelle “Hybridation du politique et mouvement social”. Ce caractère hybride nous permettra de comprendre l’évolution des pratiques discursives des mouvements de contestation vers: a) un discours politique plus organisé et plus clair au niveau de sa structuration, et b) une disciplinarisation de son activisme en général et de sa confrontation avec le pouvoir public. De la même manière, cette hybridation nous amène, d’une part, à prendre en considération le contexte politique, social, économique et idéologique où émerge le discours des mouvements sociaux au Maroc, plus précisément du Mouvement 20 Février (M20F).
»D’autre part, une analyse de ce genre nous oblige aussi à situer le M20F dans un micro-contexte qui correspond évidemment à toutes les formes de protestation, sociale, politique, linguistique ou identitaire qui existent actuellement dans le champ sociopolitique et discursif au Maroc. Enfin, l’analyse d’un discours social et politique portant sur des acteurs et des groupes sociaux opposés au pouvoir et avec ce qu’on appelle les discours de résistance, enrichira cette théorie sociale située dans l’Analyse critique du discours.
»L'émergence du Mouvement du 20 février
»La naissance du M20F est indissociable du contexte sociopolitique du monde arabe et de celui du Maghreb en particulier après le succès de la révolution tunisienne. Même si l’approche de l’Analyse critique de discours met l’accent sur l’analyse du micro-contexte comme introduction à l’analyse linguistique des données, les événements qui se sont déroulés dans la région —Maghreb et Moyen Orient— ont joué un rôle fondamental dans la naissance de ce mouvement et dans la direction qu’il prendra par la suite pour avoir cette légitimité sociopolitique et discursive. Rappelons que l’expérience tunisienne a commencé par des mobilisations et des soulèvements sociaux dans les zones déshéritées. La naissance d’un mouvement de contestation populaire au Maroc, suite aux succès de la révolution tunisienne, pourrait être interprétée comme un fait prévu.
»Le 20 Février 2011 est la date qui marque l’apparition du M20F qui s’est clairement inspiré de la Tunisie et de l’Égypte sans pour autant toutefois viser le renversement du régime. Le mouvement se définit comme “une force de protestation et non de proposition”. “Indépendant de tout parti politique, syndicat et autres organisations. Le mouvement ne s’essouffle pas, il se propage de la rue vers les institutions, les partis”. Son organisation lui donne une puissance parce qu’il ne dispose pas de leaders ou porte-parole. De même, le mouvement n’a pas d’identité unifiée. De 30 coordinations dans tout le royaume, il est passé à 115 entre la date de sa naissance et le 24 avril. Le Mouvement rassemble en son sein des forces de progrès: L’AMDH, organisation qui s’aligne ouvertement sur les objectifs du M20F dès sa naissance ; des partis de gauche comme La Voie Démocratique et le Parti Socialiste Unifié (PSU) ; la jeunesse, la société civile, des mouvements de femmes, mais aussi des islamistes, en l’occurrence Al-‘adel Wa Al-Ihsane (Justice et Bienfaisance). Même si le mouvement Al-‘adel Wal Ihsane a annoncé le 19 décembre 2011 dans un communiqué sa décision d’arrêter de manifester dans le cadre des marches du M20F, malgré leur conviction de la légitimité des revendications de ce mouvement.
»Avec le succès de la première manifestation, le M20F réussit à faire renaître la culture des manifestations au Maroc. De cette manière, il s’est imposé sur la scène politique et associative nationale. Dès sa naissance jusqu'à maintenant, le M20F a convoqué plusieurs marches au niveau national, avec la moyenne d’une marche par mois, sans compter les marches, les rassemblements et les Sit-in convoqués par les coordinations locales dans chaque ville. De même, le M20F connait une internationalisation à travers la création de cellules à l’étranger. Il a ainsi gagné en popularité dans le cercle des Marocains militants à l’étranger. C’est en France que le M20F a le plus de coordinations puisqu’il y a presque une dizaine de cellules partout en France; on trouve des cellules également aux Pays-Bas, aux États-Unis, au Canada et en Espagne.
»De manière générale, on peut dire, reprenant l’idée de Bennafla (2011: 16), que le M20F se distingue du reste des mobilisations qui ont émergé au Maroc par les traits suivants: “la politisation ouverte du cahier revendicatif qui tranche avec la politisation en creux des précédentes, […] le second point original est la coordination à l’échelle nationale d’actions protestataires dispersées grâce à l’utilisation des réseaux sociaux”. Et le troisième trait est lié à l’influence et au pragmatisme exercés par le M20F sur l’ordre discursif et sociopolitique au Maroc. Son discours a dès le départ bénéficié de beaucoup d’estime dans le discours officiel dominant quoique de manière indirecte. Et c’est ce que nous allons traiter dans le point suivant à travers une analyse de l’ordre discursif qui s’est établi au Maroc avec l’émergence du M20F.
»Ordre discursif avant et après la naissance du M20F (Mouvement 20 Février au Maroc)
»Nous sommes d’accord avec l’idée proposée par Cicourel (1980) qui affirme l’existence d’une relation directe entre la manière dont le pouvoir est distribué et la structuration du champ du savoir. Nous concevons la connaissance telle qu’elle a été définie par Heller (2007: 635) “as organized sets of discourses with organic connections among each other that take shape as a function of how institutional processes are organized and how actors are involved in the production and circulation of resources. I will use the notion of trajectory and of discursive spaces”. A partir de cette définition, il faut souligner qu’il existe au Maroc un ordre discursif et un champ de savoir caractérisés par une forte domination des rapports de force où les discours officiels (monarchiques et législatifs) sont considérés comme des discours et des espaces dominants dans un ordre social et politique complètement stratifié et hiérarchisé (Foucault, 1979 ; Bourdieu, 1982). Mais ceci ne veut pas dire qu’il n’existe pas d’autres espaces discursifs avec des représentations sociales différentes et même opposées à celles de l’État.
»Dans ce sens, les événements qui ont présidé à la naissance du M20F ont exercé une influence directe sur l’ordre du discours et sur les représentations sociales et politiques au sein du discours officiel même. Si l’émergence du M20F a joué un rôle essentiel dans la configuration d’un nouvel ordre discursif, quels sont les aspects qui nous démontrent qu’on est vraiment en présence d’une nouvelle configuration dans cet ordre ? Quels sont les nouveaux espaces discursifs qui utilisent le M20F pour faire circuler son modèle de connaissance et ses représentations sociopolitiques ? Et comment a été configuré ce dialogue discursif entre l’État et le M20F avant et après le 20 février 2011.
»Statistiquement, le nombre de discours qui ont été prononcés par le roi durant les deux dernières années concernant des réformes institutionnelles a été considérable. Nous pouvons dire que cette explosion discursive monarchique avait déjà commencé dès le 3 janvier 2010, date du discours royal qui établit la création d’une commission consultative sur le projet de régionalisation avancée. Dans ce discours, le roi annonce:
»(1) “Nous entendons également en faire un prélude à une nouvelle dynamique de réforme institutionnelle profonde”.
»Ce discours est une réponse aux événements qui ont eu lieu à Laâyoune dans le camp de “Agdim Azik” juste deux mois avant sa prononciation. L’objectif de tout discours dominant évidemment est d’exercer un contrôle social sur les masses et de renforcer la légitimité idéologique et politique de ses appareils. Dans cette même démarche de réformes, cette fois-ci c’est l’expremier ministre Abass Al Fassi qui annonça le 20 janvier 2011 la création de 1000 postes d’emploi pour des chômeurs diplômés et la réservation de 10 % des nouveaux postes pour les diplômes de troisième cycle.
»Mais un mois après, c’est le discours du 20 février qui s’impose et occupe deux espaces discursifs que l’État n’a jamais osé exploiter: la rue et l’espace virtuel à travers les différents réseaux sociaux. Les intentions réformistes de l’État ne sont pas très loin des intentions du M20F, car selon les vidéos apparues sur Youtube et qui annoncent sa création, elles intègrent des revendications connues dans le milieu associatif marocain:
»”أنا مغربية ؤغادي نخرج ف 20 فبراير باش نحارب الفساد ف البالد. أنا مغربي ؤغانخرج نهار 20 فبراير حيت بغينا نحاسبو الشفارة اللي خ ّربو البالد. أنا مغربي. حتر أنا غادي نخرج نهار 20 فبراير حيت بغينا دستور شعبي ”. [nota 1] ديموقراطي
»(2) “Je suis marocaine. Je vais sortir le 20 février pour lutter contre la corruption qui existe dans le pays. Je suis marocain. Je vais sortir le 20 février parce que nous voulons amener devant la justice tous ceux qui ont volé et détruit le pays. Je suis marocain. Moi aussi je vais sortir le 20 février car nous voulons une constitution issue du peuple et démocratique”.
»Rien de nouveau au sein des revendications du M20F. Néanmoins, les arguments qu’il met en avant font le lien entre la détérioration des services publics et l’aggravation de la corruption, sans oublier évidemment le taux élevé de chômage parmi les jeunes marocains, sachant que la majorité des militants de ce mouvement est âgé entre 18 et 35 ans. De même, pour imposer sa légitimité, le M20F a repris à son compte un élément clé: la relation historique et réciproque qui existe entre la précarité matérielle et l’exercice de l’autoritarisme officiel de l’État.
»Mais, dans cette même logique de renforcement de la légitimité et de la crédibilité, le roi annonce dans le discours prononcé le 21 février 2011, un jour après l’émergence du M20F, l’installation du conseil économique et social. Cette démarche s’inscrit d’après le roi dans le cadre suivant:
»(3) “Une forte impulsion à la dynamique réformatrice que Nous avons enclenchée dès que Nous est échue la mission d'assurer la conduite de Notre peuple fidèle. […] la poursuite de la réalisation des réformes structurantes, suivant une feuille de route dotée d'une vision et d'objectifs clairement définis, et fondée sur l'étroite symbiose entre le Trône et le peuple. Notre but ultime est d'assurer à tous les Marocains les conditions propices à l'exercice d'une citoyenneté digne, dans le cadre d'un Maroc avancé, solidaire et jouissant de son unité et de sa souveraineté pleines et entières”.
»D’ailleurs, cette dynamique discursive du monarque reste toujours liée à ses intentions réformistes ; de même, il ne soutient pas l’idée de transition dans la mesure où les réformes devraient être envisagées comme un changement dans le régime qui garantit ipso facto le remplacement des institutions et des élites de l’État par d’autres choisies par le peuple.
»Le 9 mars, 20 jours après la naissance du M20F, le roi décida de prononcer un autre discours dans un contexte dominé par l’actualité des révolutions arabes. Le roi annonça ainsi la préparation d’une nouvelle constitution, adoptée le premier juillet 2011 après un référendum, et en partant encore une fois de ses intentions réformistes et suivant la même ligne précé- dente. Peut-on dire que le roi a réagi ? Il n’y a pas de doute que c’était une réaction face aux événements qui marquaient l’actualité nationale et internationale. Nous pouvons considérer et interpréter ce discours de deux manières: la première est que le roi utilise l’accès au discours pour freiner et créer une délégitimation des revendications et une dépolitisation du M20F.
»C’est-à-dire que le discours du monarque désamorce cette crédibilité, sociale du moins, acquise par le M20F. La deuxième interprétation va dans le même sens que la première dans la mesure où le roi maintient son statut dans cet autoritarisme d’État et confirme ainsi la relation qui existe entre les rapports de force au niveau des pratiques discursives dominantes et les actions qui suivent, sachant que cette fois il s’agit d’une réforme majeure de la constitution. Mais le discours du 9 mars a donné un souffle nouveau au M20F qui le considère comme un discours conservateur qui passe sous silence l’essentiel du pouvoir royal. Ce mécontentement du M20F a été traduit par la convocation d’un Sit-in qui a été dispersé le 13 mars devant le siège du PSU.
»Mais le 20 mars, le M20F organise une grosse manifestation nationale pour annoncer son désaccord avec la réforme constitutionnelle du 9 mars. Dans les vidéos qui annonçaient la manifestation du 20 mars et les nouvelles revendications, le M20F affichait clairement son point de vue sur la réforme de la constitution:
»”بغينا دستور شعبي جديد. المخزن بغا غير يرقع ديالو القديم. حنا راه ما مفكينش [nota 2] .“
»(4) “Nous voulons une constitution issue du peuple et démocratique. Le Makhzen veut seulement rapiécer son ancienne constitution. Mamfakinch (Nous ne lâchons pas)”.
»C’est à partir de ce moment qu’a commencé la bataille discursive. Dans cette manifestation du 20 mars, le M20F a montré clairement son refus du nouveau projet de constitution comme le montrent les slogans répétés dans la rue: ”الشعب صوت اسمع“ “Sma’a Sawt A-cha’b” (écoute la voix du peuple) ou ال“ ”الدستور من 19 للفصل “La li Al fasel 19 mina A-doustour” (Non à l’article 19 de la constitution). La stratégie de communication du M20F est basée sur la production et la reproduction d’un discours issu du peuple et pour le peuple.
»En plus, la plateforme Mamfakinch est considérée comme l’arme de communication massive du M20F [Nota 3]; elle offre des informations sur internet et les réseaux sociaux. Tout cela a donné de bons résultats au niveau de l’impact de ce discours sur les masses et l’émergence d’un modèle alternatif de représentation de l’État et de ses actions.
»Un mois après la manifestation du 20 mars, le M20F convoqua le 24 avril le troisième grand rassemblement. Cette fois le discours vise directement le roi et l’un des slogans répétés était ”والكرامة الحرية ،الوطن ،هللا“ “Allah, Al watan, Al Houriya wa Al-Karama” (Dieu, Patrie, Liberté et Dignité). De même, dans la manifestation nationale du 22 mai, la représentation du roi est de plus en plus différente de celles d’avant. Cette fois les slogans franchisent les limites et s’articulent sur la chute du régime ”النظام إسقاط يريد الشعب“ “Acha’b yourid Isquat A-nidam” (Le peuple veut la chute du régime), et aussi sur la transition vers un régime républicain ”جمهورية قلبوها الحرية بغيتو إال“ “Ila Bghitou Al Houriya, qualbouha Jamhouriya” (Si vous voulez la liberté il faut la transformer en république).
»Cette manifestation a été marquée par une violente intervention des forces de l’ordre qui s’appuyaient sur la non-autorisation des marches par l’État. Le mouvement s’est engagé dans un bras de fer avec le pouvoir ; son discours donne alors les signes d’une sorte de radicalisation dans le mouvement. Khalid Naciri, ex-porte-parole du gouvernement a affirmé le lendemain de la manifestation du 22 mai:
»(5) “Tant qu’on avait affaire à des jeunes qui réclament des réformes démocratiques, il n’y avait aucun problème. Mais là, nous sommes face à une autre configuration”.
»Dans ces circonstances, des groupes anti-M20F organisaient des manifestations et des marches en faveur d’un changement mais par le roi, avec le roi et en insistant sur la sacralité des valeurs de la monarchie marocaine: “Dieu, Patrie et Roi”. Mais dès le dernier discours du 9 mars, le roi décida de ne pas se prononcer. En même temps, le M20F devait repenser ses stratégies de mobilisation et rendre son discours réaliste. Cela signifiait informer plus et se rendre plus proche des autres classes de la société, à savoir, les couches sociales pauvres. Dans cette ligne, Omar Radi, un des militants du M20F affirma:
»(6) “Nous avons remarqué que la perception de l’opinion publique a changé à notre égard. Cela n’est pas nullement dû à une prétendue radicalisation du mouvement, mais surtout à la campagne de désinformation menée par les services de l’État [nota 4]”.
»Le M20F était obligé de se déplacer vers les quartiers populaires et créer des coordinations locales dans différentes villes du Maroc [nota 5]. Il faut souligner aussi que sa force de mobilisation s’est réduite à cause des autres rassemblements et marches pro-régime et anti-M20F.
»Le 17 juin 2011, deux jours avant le lancement de la campagne pour le référendum sur la nouvelle constitution, le roi prononça un discours où il insinua que voter OUI est une solution pour les problèmes du Maroc. Un discours qui construit discursivement et socialement un “Nous” formé par l’État, le pouvoir et le peuple et un “eux” composé par les opposants à ce projet de constitution. Le “oui” du roi évoque évidemment l’existence d’”un non” ; ceci révèle une confrontation sociopolitique et idéologique mais dé- politisée par le roi. Ce qui s’est passé lors de la manifestation du 26 juin 2011 le reflète parfaitement quand opposants et partisans au projet de la nouvelle constitution se sont rencontrés dans la rue. Mais il fallait attendre le 31 juillet, fête du Trône, qui coïncide toujours avec la prononciation du discours du roi dont le contenu est d’une grande importance pour l’État et même pour le peuple. Dans ce discours le roi annonça ce qui suit:
»(7) “Mais toute Constitution, aussi parfaite qu'elle puisse être, n'est ni une fin en soi, ni même le terme d'un parcours. Elle constitue plutôt une base solide pour un nouveau pacte constitutionnel marquant la volonté d'aller de l'avant dans la mise en place d'institutions efficientes et crédibles, en vue de la consolidation de l'État de droit et des droits de l'Homme, de la bonne gouvernance et du développement. […] Parallèlement, il faudra veiller à rendre effective la consécration constitutionnelle du rôle assigné à la société civile et aux médias dans la construction politique et dans les domaines des droits de l'Homme et du développement. Ils devraient ainsi pouvoir assumer efficacement leurs responsabilités en tant que force de proposition, et comme levier efficient et partenaire fondamental dans le processus de consolidation de cette construction”.
»D’une part, le nouveau projet de constitution s’inscrit selon le roi dans un long processus dont la société civile est aussi responsable. Et, d’autre part, aucune mention au M20F n’a été faite. Par contre, on trouve toute une série de stratégies discursives dont le but principal était de légitimer et de concéder une viabilité à la nouvelle constitution sans aucun changement au niveau du régime. De surcroît, tous les problèmes qui ont été soulevés par les mouvements sociaux, et surtout par le M20F, trouvent réponse dans la nouvelle constitution. La solution au développement social et économique, la consolidation de l’État de droit et des droits de l’Homme, sont les facteurs d’une dynamique qui proviendra en fin de compte du Palais.
»Malgré ce discours et tous les événements qui l’ont accompagné, le dialogue discursif se poursuit, et le M20F annonça un boycott du référendum à travers la campagne Mamsawetinch (nous ne votons pas). Cette campagne a été menée comme d’habitude par le moyen des vidéos sur Youtube, des réseaux sociaux et des communiqués de la plateforme Mamfakinch. Mais après un OUI voté par 98 % des électeurs, le M20F commença à perdre du terrain. Une autre marche nationale était organisée le 11 septembre 2011 dont l’argument principal était toujours la précarité des services publics et le coût élevé de la vie. Le M20F revient sur les mêmes arguments sans une nouvelle stratégie politique pour s’organiser et exercer plus de pression sur l’État. Le M20F a suivi cette dynamique de protestation en essayant de convoquer une marche: le 22 janvier 2012.
»La conclusion qu’on peut tirer à partir de l’analyse de cet ordre discursif, est qu’il existe deux espaces discursifs opposés, l’un dominant, avec une capacité de contrôle sur les masses: il s’agit du discours du roi. Dans ce discours, la représentation de l’État, ses appareils et ses actions est faite d’une manière positive. L’autre espace discursif, dominé mais alternatif, touche des zones sensibles, à savoir, la représentation négative du pouvoir et de ses actions. Les deux représentations s’engagent dans une relation de conflit, de résistance et d’exercice de pression. Dans le point suivant, nous mettrons l’accent sur les stratégies discursives utilisées dans le discours du M20F pour légitimer sa position et sa représentation et pour délégitimer en même temps le pouvoir, le Makhzen et ses élites, son fonctionnement, ses actions et son appareil idéologique.
»Notes
»1 Vidéo première compagne qui annonça la création du M20F et fait appel aussi à la première marche organisée par le mouvement, version original est en arabe marocain et amazigh (berbère).
»2 Vidéo de la première campagne qui annonça la création du M20F et fait appel aussi à la première marche organisée par le mouvement, la version originale et arabe marocaine et amazigh.
»3 Voir l’article d’Aisha Akalay paru dans le nº 479 du Magazine Tel-quel, « Mamfakinch. Arme de communication massive”.
»4 Interview avec Omar Radi, militant du M20F, apparu dans Magazine Tel-quel, nº 477.
»5 Le 2 juin Kamal Ammari est tombé victime des violences qu’il a subies par des forces de l’ordre lors d’une manifestation organisée par la coordination du M20F dans la ville d’Asfi.
»References
»AL’AZĀWĪ, W. (2011): “A-thawarāt Al- ‘arabiya wa Istiḥqaqāt A-taghyīr (Les révolutions arabes et les avantages du changement)”, Shu’un Al-Awsat, 139, pp. 32-44.
»ALMANJDRA, M. (2003): Humiliation à l’ère du méga-impérialisme, Al Jadida: Annajah.
»BECHIR AYARI, M. & GEISSER, V. (2011): Rennaissances árabes. 7 clés sur des révolutions en marche, Pari: Les Éditions de l’Atelier/Éditions ouvrières.
»BEN NEFISSA, S. (2011): “Mobilisations et révolutions dans les pays de la Méditerranée arabe à l’heure de ‘l’hybridation’ du politique”, Revue Tiers Monde, Protestations sociales, révolutions civiles. Transformation du politique dans la Mé- diterranée arabe. Hors série, Sarah Ben Néfissa y Blandine Destremau (coord.), Paris: Armand Colin, pp. 5-24.
»BEN NEFISSA, S. (2011): “Les angles morts de l’analyse politique des sociétés de la région”, Confluences méditerranée, 77, pp. 75-100.
»BENNFLA, K. (2011): “Introduction”, Confluences méditerranée, 78, pp. 9-24.
»BOUKOUS, A. (2008): “Le champ langagier: Diversité et stratification”, Revue Asinag, 1, pp. 15-37.
»BOURDIEU, P. (1982): Ce que parler veut dire, Paris: Gallimard.
»CATUSSE, M. (2011): “Le “social”: une affaire d’Etat dans le Maroc de Mohammed VI”, Confluences méditerranée, 78, pp. 63-76.
»CHILTON, P. A. (2011): “Argumentos Criticables: Repensando a Habermas a la luz de la lingüística”, Discurso & Sociedad, 5 (1), pp. 71-95.
»CHILTON, P. A. 2004, Analysing Political Discourse: Theory and Practice, London, Routledge.
»CHILTON. P. A. & SCHÄFFNER, C. (2002): Poltics As Text and Talk. Analytical Approaches to Political Discourse, Amsterdam: John Benjamins Publishing Company.
»CICOUREl, A. (1980): “Three Models of Discourse Analysis: The Role of Social Structure”, Discourse Processes, 3, pp. 101-132.
»FOUCAULT, M. (1971): L’ordre du discours, Paris, Gallimard.
»FAOUAD, W. (2010): “Facebook y la juventud árabe. ¿Activismo social o liberación social”, Awraq, 9, pp. 93-100.
»HAMMAMI, S. (2011): “Quand le peuple rentre en scène”, Medium, 29, pp.49-65.
»HELLER, H. (2007): “Distributed Knowledge, distributed power: A Sociolinguistics of structuration”, Text & Talk, 27, 5/6, pp.622-653.
»HIBOU, B. (2011): Le mouvement du 20 février, le Makhzen et l’antipolitique. L’impensé des réformes au Maroc, mai 2011, Publicación electrónica: http://www.cerisciences-po.org.
»KELLER, R. 2007: “L’analyse du discours du point du vue de la sociologie de la connaissance. Une perspective nouvelle pour les mé- thodes qualitatives”, Recherches qualitatives, 3, pp. 287-306.
»SIDI HIDA, B. (2011): “Mobilisations collectives à l’épreuve des changements au Maroc”, Tiers Monde, Protestations sociales, révolutions civiles. Transformation du politique dans la Méditerranée arabe. Hors série, Ben Néfissa. S. y Blandine D., (eds.), Paris: Armand Colin, pp. 163-188.
»VAN DIJK T. & MARTIN ROJO, L., (1997): “There was a Problem, and it was Solved! Legitimating the Expulsion of “Illegal” Migrants in Spanish Parliamentary Discourse”, Discourse & Society, 8 (4), p. 523-66.
»VAN DIJK, T. (1999): Ideología. Una aproximación multidisciplinar. Barcelona: Gedisa.
»VAN DIJK, T. 2003, “La multidisciplinariedad del análisis crítico del discurso: un alegato a favor de la diversidad”, Wodak R. y Meyer, M (ed.), Métodos del análisis crítico del discurso, Barcelona: Gedisa, pp. 143-177.
»VAN DIJK, T. 2006, “Discourse, context and cognition”, Discourse Studies, 8 (1), pp. 159-17.
»VAN LEEUWEN, T. (1996): “The representation of social actors”, CaldasCoulthard, C. y Coulthard, M. (Coord.), Text and practice, London: Routledge, pp. 33-70.
»WODAK, R. et al. (1999): “The discursive construction of national identity”, Discourse & Society, 10 (2), pp. 149-173.
»WODAK, R. (2000): “¿La sociolingüística necesita una teoría social? Nuevas perspectivas en el Análisis Crítico del Discurso”, Discurso y Sociedad, 2 (3), pp. 123-147.
»WODAK, R. & REISIGL, M. (2001): Discourse and discrimination. Rhetoric of Racism and Antisemitism, London / New York: Routledge.
»WODAK, R. & MEYER, M. (eds.) (2003): Métodos del análisis crítico del discurso, Barcelona, Gedisa.
»WODAK, R. & CHILTON, P. A., (eds.) (2005): A New Agenda in Critical Discourse Analysis, Amsterdam /Philadelphia: John Benjamins Publishing Company.
»WODAK, R. (2011): “Challenges to Critical Discourse Studies-Opening Borders and Transcending Dichotomies”, Conferencia presentada en el CDA Workshop, 24 de mars 2011, Madrid: Universidad Autónoma de Madrid.»