junio 11, 2015

«Présentation et commentaire de la Stylistique de Bally»



Noelia Micó Romero, María Amparo Olivares Pardo
«Pertinence d'une relecture de la Stylistique française de Charles Bally au XXIe siècle»

Synergies Espagne, n.º 6, 2013
édition monographique: «Charles Bally: Moteur de Recherches en Sciences du Langage», coord. par Sophie Aubin

Synergies Espagne | GERFLINT (Groupe d’Etudes et de Recherches pour le Français Langue Internationale) | Sylvains-lès-Moulins | FRANCE



Extracto del apartado «Présentation et commentaire de la Stylistique de Bally», en páginas 76 a 79 del artículo completo (PDF)




«Le Traité de Stylistique Française (TS) est divisé en deux volumes. Le volume premier aborde “les faits d’expression” et leur identification et caractères ainsi que “le langage figuré” et les moyens d’expression (indirects ou dans la langue familière). Sous l’étiquette de “langage expressif”, il englobe la distinction traditionnelle de la rhétorique classique, comme celle de P. Fontanier (1968) entre “figures de pensé” et “de langage” en une seule catégorie. Ainsi, il soutient l’arbitraire de cette classification. Pour lui, “les tropes” et “figures de style” appartiennent au langage expressif. Bally, pionnier et fondateur de la stylistique moderne, annonce des idées actuelles. Il considère que le langage figuré s’appuie sur le concret:

»“Nous assimilons les notions abstraites aux objets de nos perceptions sensibles, parce que c’est le seul moyen que nous ayons d’en prendre connaissance et de les rendre intelligibles aux autres” (Bally, 1951, vol. I: 187).


»Il a l’intuition géniale de lier “l’abstraction à la perception sensible”. Les idées abstraites prennent forme à travers le concret. Comment ne pas voir dans ses mots un germe du cognitivisme? Ce dernier expliquera le mécanisme de la cognition selon lequel la pensée est incarnée (en anglais the embodied mind). La codification linguistique se fait à partir de nos perceptions. Dans ce sens, on pourrait dire qu’il annonce le langage comme un fait d’expérience [nota 6].

»En d’autres termes, Bally explique ces associations (entre le concret et l’abstrait) à partir d’“analogies” vagues et non cohérentes qui rendent compte de la représentation que fait notre cerveau des abstractions. Il se situe à mi-chemin entre la conception traditionnelle de la “métaphore” et la nouvelle théorie sur la “métaphore” (Bally, 1951, vol. I: 187). Ainsi, il renoue avec la tradition rhétorique quand il affirme que la métaphore consiste dans la suppression de la comparaison sous-jacente: “Cet homme est rusé comme un renard” / “Cet homme est un renard”. Mais, en même temps, il annonce, d’une certaine façon, la notion clé chez les cognitivistes de “projection” ou “mapping” entre deux domaines (abstrait/contrait) pour expliquer le mécanisme métaphorique. Il y a une “correspondance” entre la qualité d’être rusé (abstrait), la désinvolture et un animal concret (le renard). Le résultat est toujours un produit facilement compréhensible et sur la base de la perception sensible et expérientielle.

»Un autre aspect innovateur apparaît lorsque Bally soutient l’idée selon laquelle l’homme n’accepte pas l’inertie de la nature et par conséquent, il met en marche un mécanisme de “personnification” et “d’animation” (Bally, 1951, vol. I: 187-188). Cette caractéristique est soutenue aujourd’hui par la linguistique cognitive, car l’homme codifie ce qui l’entoure à partir de sa perception sensorielle. Il décrit le monde de manière analogique, ce qui est inerte, inanimé devient animé, personnifié [nota 7]. Pour Bally, la personnification est source de métaphores et il nous donne des exemples tels que: “Le soleil se lève”, “le vent souffle”, “un arbre agite ses branches”.

»Cependant, son explication de la “métonymie” du langage est plus question¬nable. Elle est liée aussi à la métaphore et aux procédés du langage figuré. La justification et l’explication données par Bally sur la métonymie sont en rapport avec la psychologie et les comportements des hommes. “La loi du minimum effort” expliquerait la “métonymie” ou la “synecdoque” (le tout pour la partie ou la partie pour le tout, le contenu par le contenant, etc.). Il suit le courant de Du Marsais: celui-ci affirmait dans son Traité des Tropes que le langage figuré est dû à “l’imbécilité de l’esprit humain” [nota 8]. Observons les exemples suivants:

»“Voici une voile pour voici un bateau à voile” (synecdoque)/ “Un verre de vin pour le vin contenu dans le verre” (métonymie).

»Bally est un produit de son époque. Par conséquent, on ne peut espérer de lui une approche aussi cernée que celle des linguistes actuels. Le langage humain est par nature analogique, imprécis. Il ne s’agit pas d’un code, d’un système univoque de signes comme le soutenait le structuralisme, et n’oublions pas que Bally est héritier de Saussure... Néanmoins, il a l’intuition sur la mentalité analogique de l´homme qui expliquerait les mécanismes de production de personnifications ou comme le soutiennent Lakoff & Johnson (1980) de métaphores ontologiques. Mais il se trompe, à notre avis, quand il lie “la synecdoque” et la “métonymie” à cette “loi du minimum effort”. En réalité pour lui, la source de ces images est multiple:

»“La plupart des images sont donc des produits de l’erreur ou de la nécessité ; spontanément, on parle par images parce qu’on ne peut pas faire autrement ou parce qu’on voit trouble et qu’on raisonne faux […] ce qu’on appelle des métaphores, des synecdoques, et des métonymies repose sur des ‘paralogismes de simple inspection’” (Bally, 1951, vol. I: 189).


»Bally (1951, vol. I: 189) critique l’erreur de la rhétorique traditionnelle selon laquelle les figures de style sont le résultat d’une volonté esthétique de l’homme et que celui-ci s’exprime à travers ces figures pour rendre la pensée plus agréable. La différence entre une image spontanée et un effet de style (image esthétique) réside dans l’intentionnalité de la deuxième.

»Bally nous parle de l’évolution des images et il affirme que le langage spontané demande la création de nouvelles expressions figurées qui compensent la perte des plus anciennes ; c’est-à-dire qu’il se produit une évolution. Il nous donne comme exemples: “Le jour baisse” (image visuelle) (IV) / “Cela me touche très peu” (image tactile) (IT).

»La nouveauté chez Bally consiste à voir le fonctionnement du langage de manière dynamique: un double mouvement (l’abstraction vers le concret, ou du concret vers l’abstraction). Nous avons remarqué supra qu’il parle de “correspondance” ou d’analogie qui expliquerait la concrétisation des abstractions. Plus tard, il signale de manière très perspicace la tendance générale de la langue vers l’abstraction car:

»“[...] une expression figurée subit, comme tout le reste, l’action des lois sémantiques ; à partir du moment où une image est crée, elle marche vers l’abstraction, c.à.d. qu’elle tend à se dépouiller des caractères qui font d’elles une image. (Bally, 1951, vol. I: 190).


»En effet, il insiste sur cette tendance vers l’abstraction. Il met en relief le préjugé commun que les images sont nécessairement concrètes, sensibles et vivantes. L’existence de l’image et de sa valeur expressive est liée à ce que les sujets perçoivent d’elle. L’actualité de cette vision de Bally réside dans cette idée de renouvellement continu des images dans la langue. De nos jours, il est largement accepté par la communauté linguistique que l’analogie et la créativité sont des aspects inhérents aux faits de langage.



[Notes]

»6 Cf. pour la problématique de la catégorisation expérientielle: Kleiber, G. (1990) La sémantique du prototype, Paris: PUF, et Lakoff, G. & Johnson, M. (1980).

»7 Cf. Lakoff, G. & Johnson, M. (1999). Ils traitent cet aspect in Philosophy in the flesh: The embodied Mind and its Challenge to Western Thought. New York: Basic Books.

»8 Nous empruntons cette citation à G. Molinié ([1986]1991: 82). Éléments de stylistique française. Paris: PUF.»






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