febrero 19, 2020

« L’autoédition est-elle une piste pour mettre fin à la précarité des auteurs et autrices ? L’auteur de bande dessinée Bruno Duhamel détaille, à travers sa propre expérience, les avantages et les inconvénients de l’autoédition »


Olivier Mimran (@OlivierMimran)
20 Minutes (@20minutes)



Bruno Duhamel, l’album à paraître chez Bamboo éditions et Isabelle Sivan (© A. Moreau/Bamboo 2020)


«Deux semaines après que les auteurs et autrices de bande dessinée eurent manifesté leur désarroi au Festival d'Angoulême et à quelques jours de la présentation du Rapport Racine, qui propose des mesures pour améliorer le statut des créatrices et créateurs, se repose la question de l’autoédition, en laquelle certain(e) s voient une alternative au circuit traditionnel éditeurs/distributeurs.


» Un parcours du combattant

» Bruno Duhamel, auteur de Jamais et #Nouveau Contact, connaît bien le sujet puisque en 2014, lui et l’avocate/romancière Isabelle Sivan ont décidé, après que tous les éditeurs eurent refusé leur album Le voyage d'Abel, de l’autoéditer. Une expérience qui tient davantage du parcours du combattant que la promenade de santé, si l’on en croit le témoignage que le bédéaste a accordé à 20 Minutes.

» Renoncer devant le désintérêt des éditeurs “aurait été laisser mourir une histoire qu’on voulait vraiment raconter”, se souvient Bruno Duhamel. “Isabelle et moi avons donc créé une structure associative pour concevoir un tirage limité à 1000 exemplaires”.

» C’est quantité négligeable comparativement aux grosses machines du 9e Art (le dernier Astérix a bénéficié d’un premier tirage de 5 millions d’exemplaires), mais c’est suffisant pour permettre à un titre d’exister. “On avait l’espoir de le vendre sur les festivals, quitte à y passer dix ans”.


» Un bilan mitigé

» En dix mois, les trois quarts du tirage du Voyage d’Abel étaient épuisés. “Dix mois d’allers-retours entre le stock (un grenier prêté par des amis, à Clamart), l’atelier emballage à domicile, la Poste, les rendez-vous avec les libraires etc.”. Ce premier tirage est aujourd’hui épuisé. Mais les commandes continuent, aussi l’album va-t-il prochainement être réédité par Bamboo, seule maison d’édition à n’avoir pas reçu le projet en 2014.

» L’histoire est belle, mais quel bilan Bruno Duhamel en tire-t-il ? “Autoéditer son album, c’est excitant mais pour le moment, ça reste compliqué, concède-t-il. Il manque deux maillons indispensables : la distribution, et le stockage. Tant que les camions qui transportent les livres sont entre les mains des ‘gros’, le petit éditeur et l’autoéditeur auront du mal à gérer des ventes à grande échelle.

» Il sera toujours dépendant du distributeur, ou condamnés à se distribuer eux-mêmes sur les salons, ou chez les libraires de leur région. Ils seront donc limités quant à la quantité. Et qui dit quantité limitée dit prix plus élevé, puisque l’impression est un processus industriel qui coûte plus cher sur les faibles tirages…”. Sans parler des problèmes de stockage, qui “contrarient encore l’envie de gros tirages”.


» “Nous n’avons rien gagné à titre personnel”

» N’empêche que malgré toutes ces galères, et même avec un tirage limité, “au rythme auquel les ‘forfaits’ baissent chez les éditeurs, un auteur ou une autrice qui s’autoédite peut, si ce n’est gagner plus, gagner au moins autant que chez un petit ou moyen éditeur. Par contre, et c’est là que le bât blesse, ce sera au prix de semaines, voire de mois de travail supplémentaires, consacrés à la fabrication, et à la distribution. Donc à l’arrivée, le ‘gain’ est très relatif”.

» À titre d’exemple, Bruno Duhamel confie que “dans l’absolu, nous n’avons rien gagné à titre personnel. Nous ne nous sommes même pas remboursés des frais d’impression. Le but était de générer un capital de départ, pour pouvoir envisager d’autres projets. Mais si on déduit les frais d’impression, l’album a rapporté l’équivalent d’un contrat correct chez un éditeur moyen (ou d’un mauvais contrat chez un gros éditeur).”

» Même si le résultat semble encourageant, “il doit être mis en perspective avec les 6 à 8 mois de boulot à plein temps pour assurer la distribution, donc sans aucun autre revenu, ni temps libre pour créer”. Et oui, celui ou celle qui se lance dans l’autoédition devient de facto éditeur/trice. Et c’est un métier à plein temps qui ne laisse plus aucune place à la création.

» “Le véritable succès du Voyage d’Abel, c’est la visibilité dont il a bénéficié, se réjouit Bruno Duhamel. Si on a prouvé une chose, c’est que des auteurs et autrices peuvent parfaitement éditer eux-mêmes, de manière professionnelle, et proposer un album qui tient le crachoir face à la production des grands éditeurs. Et ça, ça vaut de l’or !”. »


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