«Frank Adebiaye est ce qu’on appelle un personnage. Auditeur financier puis comptable dans un cabinet indépendant, c’est aussi et surtout un auteur et le créateur de la fonderie libre Velvetyne, maison d’édition pour la typographie. Il a repensé le Grotesk, sa typographie la plus connue, afin qu’elle puisse être utilisée pour la nouvelle version du site paris.fr lancée en juin dernier. Une véritable reconnaissance pour cet autodidacte, qui nous raconte les coulisses d’un monde encore trop méconnu mais passionnant.
»La typographie a connu ces dernières années de nombreuses évolutions, de sa transposition au numérique à la multiplication des différents supports de lecture.
»Autodidacte, Frank Adebiaye en est devenu expert grâce à sa passion pour les lettres. Auteur de livres sur le sujet, il est aussi le fondateur du site Velvetyne, inspiré par le thème de la chanson “Black Velveteen” de Lenny Kravitz. Il explique créer énormément de fontes (par exemple, Arial est une police et Arial gras est une fonte) en écoutant de la musique. “Grotesk est un peu mon ‘Manureva’, c’est celle que je vois le plus mais j’en ai créé beaucoup d’autres!”.
»Un parcours d’autodidacte
»Franck Adebiaye a un petit côté “Steve Jobs” de la typographie. Tout a commencé en 1998, non dans un garage, mais lorsqu’il répare une imprimante laser. Il remarque une différence entre ce qu’il voit à l’écran et ce qui est imprimé. “Je voulais véhiculer des idées de façon plus exacte. Je désirais faire l’ECV, l’École de communication visuelle, mais mes parents n’étaient pas d’accord”. Ironie du sort, Frank a fini par y donner des cours. L’école est de plus située rue Dahomey, nom officiel utilisé par le Bénin, pays d’origine de son père. “ Il n’y a pas de hasard!...”.
»Il suit des études de commerce et en parallèle, commence à “sévir” dans les travaux typographiques. Auditeur financier, ce domaine ne lui plaît pas et il s’investit de plus belle dans sa passion. En 2010, il crée la fonderie Velvetyne, dont le Grotesk est l’une des premières polices de caractère.
»“J’ai démarché moi-même pour que cette structure soit collective. Très vite d’autres personnes m’ont rejoint comme Sébastien Hayez, un graphiste qui utilisaient mes typos, Jérémy Landes-Nones, ou Raphaël Bastide, qui a beaucoup contribué à faire du collectif ce qu’il est aujourd’hui”. Ce dernier est également l’auteur du site Internet de la fonderie.
»Le Grotesk, inspirations et influences
»Au départ, la police de caractère Grostesk s’appelait le Mercandieu, en hommage à un personnage du film de Maurice Lehmann et Claude Autant-Lara Fric-Frac. “C’est un film qui se déroule à Paris, on y parle l’argot parisien et cette façon de parler m’a marqué, c’était comme des effets spéciaux!... Et puis c’est devenu le Grotesk car Mercandieu n’était pas assez parlant. Je voulais favoriser le mouvement, avec des formes très nettes, inspirées par ce mélange d’argot et de langage plus moderne”.
»Le Grotesk, très populaire, est aussi inspiré de typographies antérieures, le Gotham, le Bold et le Slang. “Pour le nouveau site je l’ai nettoyé, j’ai redessiné les accents, je les ai rendus plus nets, il y a eu l’apparition de l’@... “. Un processus d’amélioration et de recréation car Frank, en se repenchant sur la genèse de sa typographie, a aussi travaillé sur de nouveaux caractères.
»Pour lui, le Grotesk est à la fois carré et “déglingué”, il aime à dire qu’il y a un côté punk dans son travail minutieux. “Ça résume bien Paris qui est à la fois une cité moderne, dynamique et patrimoniale. Même si la typographie reste un domaine nébuleux, tout le monde connaît Paris. Pour moi c’est un signe de confiance et de reconnaissance et ça motive les autres membres de Velvetyne à évoluer”. Quant au fameux “s” de paris.fr, “il a fallu qu’il garde une part de mystère, il n’a pas été pensé comme un logo pour la ville”. Ce ‘s’, en mouvement comme Paris, symbolise aussi toutes les villes alentours car Paris reste une ville plurielles. “De plus, le Grotesk est né des deux côtés de la Seine, j’habitais rive gauche au moment de sa création, rive droite au moment de sa recréation”.
»Un métier en devenir
»Le numérique fait évoluer la typographie et le métier de typographe, “Du fait des évolutions du web, la typo est devenue plus visible dans toute sa globalité”. Frank explique ses recherches typographiques et surtout ses méthodes de publication:
»“Nous sommes des auteurs, on crée des fontes originales avec nos esprits fantaisistes et nous les mettons à disposition du public. C’est libre, il n’y a pas, dans un premier temps, de rémunérations au titre des droits d’auteur. Mais si nous retravaillons nous-mêmes ces caractères libres, nous ne sommes pas obligés de le faire gratuitement ni de donner cette version modifiée. C’est intéressant dans le débat actuel, au sein même du numérique”.
»Ainsi, si les œuvres circulent librement, les auteurs peuvent aussi au final être rémunérés. Un peu comme si on avait accès gratuitement à une chanson mais que l’on devait payer pour en écouter différentes versions. “C’est ce qui s’est passé avec le site de la Ville de Paris, ils utilisaient déjà mes caractères, en voulaient une nouvelle version, donc je les ai retravaillés”.
»Einstein disait “ce qui ne coûte rien n’a pas de valeur”. Ce procédé permet au typographe de gagner de l’argent et d’être reconnu comme un vrai métier et de poser une empreinte dans l’éternité. Sa collaboration avec le site de la Ville de Paris est un signe de confiance et de reconnaissance dont il est fier, une belle réussite pour cet autodidacte, pour preuve cette anecdote: “Pourquoi Lavilliers a signé chez Barclay, c’est parce-que sa mère savait qui c’était!..”.
»La typographie en question
»La typographie (souvent abrégée typo) désigne les différents procédés de composition et d’impression utilisant des caractères et des formes en relief, ainsi que l’art et la manière d’utiliser les différents types de caractères dans un but esthétique et pratique.»
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