«La médecine de demain se dessine aujourd’hui notamment grâce aux progrès issus de l’apport de l’informatique et des sciences numériques au traitement de l’imagerie médicale, elle-même en plein essor, aboutissant à un modèle numérique du patient permettant d’assister le diagnostic, le pronostic et la thérapie. Ces avancées considérables reposent sur l’interaction entre une recherche académique pluridisciplinaire, un partenariat clinique et un partenariat industriel. C’est ce que montre ici Nicholas Ayache, directeur de recherche de classe exceptionnelle à l’INRIA, centre Sophia-Antipolis-Méditerranée, premier directeur scientifique de l’Institut hospitalo-universitaire de Strasbourg (2012-2015) et professeur invité au Collège de France (2014).
»L’imagerie médicale computationnelle (traitement informatique des images médicales) est un jeune champ de recherche en plein développement, à la croisée de l’informatique, des sciences numériques et de la médecine. Son principal objectif est de concevoir des algorithmes de traitement des images médicales pour assister le diagnostic et la pratique thérapeutique.
»Informatique et sciences numériques face à l’essor des images médicales
»Les images médicales sont aujourd’hui omniprésentes dans la pratique médicale courante et hospitalière. Elles sont utilisées pour le diagnostic, puis pour la planification et la conduite de l’intervention thérapeutique. La nature, le nombre et la résolution des images médicales ne cessent de croître grâce aux progrès constants des technologies d’acquisition d’images.
»Face à cette multiplication des images médicales, l’informatique et les sciences numériques sont devenues indispensables pour exploiter de façon rigoureuse et optimale cette surabondance d’informations complexes. Elles sont déjà à l’œuvre dans la construction même des images, obtenues grâce à des algorithmes qui traitent les signaux physiques mesurés sur le patient. Ensuite et surtout, informatique et sciences numériques permettent l’analyse des images reconstruites afin d’en extraire l’information cliniquement pertinente et de la présenter dans un cadre unifié et intuitif au médecin. Enfin, informatique et sciences numériques permettent de construire un modèle numérique du patient pour la simulation : simulation de l’évolution d’une pathologie ou de l’effet d’une thérapie, simulation de gestes médicaux ou chirurgicaux pour l’entraînement du praticien.
»Analyse et simulation informatiques des images médicales reposent sur des algorithmes qui doivent prendre en compte la spécificité de l’anatomie et de la physiologie humaines à l’aide de modèles mathématiques, biologiques, physiques ou chimiques adaptés à la résolution des images. Ces modèles du corps humain dépendent eux-mêmes de paramètres qui, lorsqu’ils varient, modifient la forme et le fonctionnement des organes numériques. Utilisés avec un jeu de paramètres standards, les modèles sont génériques : ils décrivent et simulent des organes moyens dans une population. Puis confrontés aux images médicales d’un patient particulier, les paramètres d’un modèle générique peuvent être ajustés pour reproduire plus précisément la forme et le fonctionnement des organes de cet individu. On dispose alors d’un modèle personnalisé.
»Vers une médecine computationnelle ?
»Le patient numérique personnalisé n’est autre que cet ensemble de données numériques et d’algorithmes permettant de reproduire, à diverses échelles, la forme et la fonction dynamique des principaux tissus et organes d’un patient singulier, ainsi que les informations qui décrivent l’histoire de sa maladie.
»Ces modèles numériques et personnalisés du patient permettent d’assister le diagnostic en quantifiant l’information cliniquement utile présente dans les images, d’assister le pronostic en simulant l’évolution d’une pathologie, et d’assister la thérapie en planifiant, simulant et contrôlant une intervention.
»Prenons l’exemple de la cardiologie computationnelle : les modèles numériques du cœur permettent de simuler son activité électrique et mécanique, ainsi que le mouvement spatio-temporel résultant. Ces modèles sont personnalisés grâce à des images médicales dynamiques, et à des mesures de pression et d’électrophysiologie. Ils permettent de quantifier la fonction cardiaque et d’estimer certains risques d’arythmie, voire de simuler des gestes de cardiologie interventionnelle destinés à corriger ces arythmies. Des prototypes permettent déjà de prédire le bénéfice attendu de la pose d’une prothèse vasculaire dans une artère coronaire, ou l’implantation d’un stimulateur cardiaque destiné à resynchroniser le mouvement des ventricules.
»Voilà ce qui préfigure la médecine computationnelle de demain : une composante informatique de la médecine destinée à assister le médecin et au service du patient.
»Un domaine de recherche très fertile
»Les progrès actuels dans le domaine de l’imagerie médicale computationnelle reposent en grande partie sur des avancées algorithmiques en traitement d’images et dans la modélisation numérique de l’anatomie et de la physiologie du corps humain. Ils bénéficient également de l’amélioration régulière des technologies d’acquisition des images médicales et des performances du matériel informatique, tant en vitesse de calcul qu’en capacité de stockage et de transmission des informations.
»Les progrès de la recherche s’appuient enfin sur un triangle vertueux dont chaque sommet est important. Le premier sommet désigne une recherche académique pluridisciplinaire, associant informatique et sciences numériques avec d’autres sciences (mathématiques, biologie, physique, chimie, etc.). Le second sommet associe un partenariat clinique, indispensable pour résoudre des problèmes médicaux pertinents et valider les solutions proposées. Enfin, le troisième sommet associe un partenariat industriel, incontournable pour transformer les prototypes de laboratoire en produits véritables. Les frontières entre ces trois mondes ne sont pas étanches, leurs interactions sont riches d’enseignements et fertiles en innovations.
»La recherche en imagerie médicale computationnelle est portée par une jeune communauté internationale de chercheurs. La plupart des doctorants trouvent après leur thèse un emploi académique ou industriel dans le domaine de l’imagerie médicale computationnelle, et un nombre croissant d’entre eux participe à la création ou au développement de nouvelles entreprises.
»Pour en savoir plus :
»Le site de l’Académie des sciences :
»Leçon inaugurale de Nicholas Ayache au Collège de France (10 avril 2014) : Des images médicales au patient numérique. Disponible en livre électronique en accès libre : books.openedition.org/cdf/4085. Des images médicales au patient numérique, de Nicholas Ayache, Collège de France-Fayard, coll. “ Leçons inaugurales au Collège de France ”, 2015, 80 pages, 10,20 euros.
»Séminaires invités du cours de Nicholas Ayache au Collège de France, “ Informatique et sciences numériques ” (2013-2014), Discours de réception de Nicholas Ayache à l’Académie des sciences, 23 juin 2015»
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